Reprise collective : l’exemple des Bouquinistes

En tant que propriétaire, céder une entreprise qui nous tient à cœur est un processus rempli d’émotions. Pour certains, le choix de vendre à ses employés est l’option idéale. C’est ce que les anciens propriétaires de la librairie Les Bouquinistes ont décidé de faire.

Découvrez le parcours d’une petite librairie au grand cœur.

Ayant pignon sur rue depuis une quarantaine d’années, la librairie indépendante Les Bouquinistes, située à Chicoutimi, fait résolument partie du patrimoine culturel de la région. Uniques actionnaires depuis quelques années déjà, Laval Martel et Anne Le May sont maintenant à la retraite. Mais lorsqu’ils ont commencé à songer à se retirer, pas question pour eux de laisser la librairie aux mains de n’importe qui. Cette entreprise, qu’ils ont fondée en 1979, était beaucoup trop importante pour eux. Leur souhait ? Que les employés la rachètent.

Le défi initial

Que l’entreprise perdure et soit prise en main par des gens ayant à cœur sa mission après un départ à la retraite.

Le plan de départ

Qu’un ou plusieurs employés rachètent la librairie.

La solution finale

La reprise collective et la création d’une coopérative de solidarité.

Une reprise collective sous le signe de la solidarité

 Shannon Desbiens est libraire depuis 14 ans aux Bouquinistes. C’est vers lui qu’Anne et Laval se sont tournés lorsqu’ils ont planifié prendre leur retraite. « Quand ils ont voulu vendre, ils m’ont demandé si j’étais intéressé à acheter, explique Shannon. Mais je ne me sentais pas vraiment la fibre entrepreneuriale. »

Finalement, c’est le modèle de coopérative de solidarité qui s’est distingué. Anne Le May a effectué ses recherches et a récolté pas mal d’information. En 2019, le Centre de transfert d’entreprises du Québec (CTEQ) a contribué au départ du projet, avec par la suite des conseillers de la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ).

Pour Shannon, le modèle coopératif lui permettait de miser sur ses forces ainsi que sur celles d’une équipe. « Je trouvais ce modèle plus égalitaire et diversifié, dit-il. Ce que j’aimais aussi, c’est le sentiment de pouvoir partir et que la librairie perdurerait quand même. Ça m’enlevait de la pression sur les épaules. »

« La coopérative de solidarité était la meilleure option, car en élargissant le cercle de membres, avec des membres de soutien et utilisateurs, on allait chercher davantage de mobilisation et encore plus d’expertises différentes, pour une gouvernance de l’entreprise encore meilleure. »

Les défis

Un projet tel qu’une reprise collective implique nécessairement des défis. Dans le cas de la librairie Les Bouquinistes, l’entreprise était en bonne santé financière, son personnel était engagé et compétent, elle était bien implantée dans son milieu et elle avait depuis longtemps gagné l’affection de la communauté.

Il y a néanmoins eu quelques défis à relever lors de la reprise collective. Voici les principaux :

Le manque d’expérience en affaires ainsi que le manque de connaissances du modèle coopératif du côté des repreneurs

Pistes de solution :

  • Former une équipe composée d’expertises et de forces complémentaires
  • Aller chercher de l’aide auprès d’experts
  • S’informer et poser des questions

Des négociations longues et parfois complexes entre les cédants, les repreneurs et les institutions financières

Pistes de solution :

  • Multiplier les occasions de communiquer entre les parties
  • Aller chercher de l’aide auprès d’experts
  • S’armer de patience et rester mobilisé

« La fusion entre le Inc. et la coopérative est relativement complexe sur le plan fiscal. Plusieurs experts ont été nécessaires tout au long du projet – notaire, fiscaliste, avocat – et il y a eu bien des négociations entre les cédants, les repreneurs et les institutions financières impliquées. Bref, cet aspect du projet a nécessité pas mal de temps et de rigueur. »

Le découragement ponctuel de l’équipe, accentué par la durée de la démarche

Pistes de solution :

  • Ne pas hésiter à demander du soutien auprès des collègues et conseillers
  • Assurer une communication transparente et régulière entre les acteurs impliqués dans la démarche
  • Se rappeler de notre objectif final et les raisons pour lesquelles on y tient

La compréhension et l’assimilation du changement de culture d’entreprise par les travailleurs

Pistes de solution :

  • Réitérer la raison d’être de l’entreprise et les valeurs de la coopérative
  • Solliciter régulièrement l’avis des membres travailleurs
  • Être à l’écoute les uns des autres

L’accompagnement de la CDRQ

Voici les principales actions menées par les conseillers de la CDRQ pour accompagner les cédants et les repreneurs dans la démarche de reprise collective.

  • Valider l’intérêt des cédants à vendre à une coopérative et la concordance de ce modèle avec leurs besoins
  • Évaluer la préfaisabilité du projet et en identifier les principaux enjeux
  • Évaluer l’intérêt des repreneurs à créer une coopérative pour racheter l’entreprise
  • Évaluer la faisabilité du projet sur le plan financier en faisant des prévisionnels
  • Accompagner les repreneurs dans l’élaboration du plan d’affaires et du montage financier préliminaire
  •  Apporter un soutien à la création légale de la coopérative, aux règlements, à l’assemblée de fondation et à la formation du conseil d’administration

Les facteurs de réussite

 Une bonne préparation de la part des cédants et des repreneurs : s’informer, faire appel aux ressources existantes, déterminer les étapes du projet, planifier, etc.

« Quand on m’a demandé de devenir membre utilisatrice, j’ai tout de suite accepté. Je tenais à la librairie et je ne voulais pas la perdre. Au début, il y avait beaucoup de réunions puisqu’il y avait beaucoup de choses à faire et à apprendre. Ça n’a pas toujours été évident, mais on était bien soutenu, notamment par Geneviève Demers, ex-DG de la librairie et maintenant conseillère en développement coopératif à la CDRQ.

 Le fait d’être plusieurs dans ce projet aidait, car quand l’un commençait à se décourager un peu, les autres l’encourageaient. J’aime aussi le principe de la coop, car j’aime sentir que je suis partie prenante. Je suis secrétaire du CA depuis un peu plus d’an et je suis très optimiste quant à l’avenir de la librairie. Les choses vont vraiment bien ! »

– Isabelle Blier, membre utilisatrice.

Les résultats

Grâce au travail assidu de Laval Martel et Anne Le May, la librairie Les Bouquinistes était très bien implantée dans son milieu et connaissait déjà un franc succès. Avec la création de la coopérative, l’entreprise continue de croitre, tant sur le plan de la rentabilité que sur celui de la notoriété.

Au printemps 2021, lorsque la coopérative a lancé un appel pour recruter des membres de soutien, la réponse ne s’est pas fait attendre ! « On a amassé quelque 50 000 $ assez rapidement ! », illustre Geneviève Demers.

Par ailleurs, avec le temps, l’expérience a fait son œuvre dans l’équipe. « On s’est fait la main et on est devenus de meilleurs gestionnaires, affirme Gabrielle. Maintenant, on tient des rencontres avec les membres aux deux mois alors qu’au début, on devait se rencontrer chaque semaine.”

Des projets pour l’avenir ?  « Continuer à apprendre à bien maitriser tous les aspects de la coopérative et rafraîchir un peu l’aménagement de la librairie. »

Article provenant de la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ)

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