La gestion en silo
Que vous soyez un gestionnaire de carrière ou un entrepreneur intuitif, vous connaissez sans doute le problème de la gestion en silo. L’image du silo permet d’illustrer ce qui arrive lorsque chaque fonction dans l’entreprise se comporte comme si elle était seule.
Par exemple, l’ingénierie conçoit des produits qui ne tiennent pas compte des contraintes de la production. La production fabrique des produits qui ne satisfont pas les besoins de l’équipe de vente. Les vendeurs tiennent un discours qui ne correspond pas au positionnement marketing. Le marketing lance des campagnes sans tenir compte des finances. Et les gestionnaires financiers ignorent les enjeux de ressources humaines.
Bien évidemment, gérer une entreprise de cette manière, c’est courir au désastre.
Il en va de même du droit
Au cœur des questions de stratégies d’entreprise et des décisions d’affaires se cachent de nombreuses questions de droit. Plus tôt on les identifie, plus il est facile de les gérer. On évite ainsi bien des sources de retards et de coûts inutiles.
En somme, le droit est un outil de gestion
C’est particulièrement vrai lorsqu’on se prépare à faire l’acquisition d’une entreprise. Dès le début, de nombreuses questions de droit se posent. C’est pourquoi il est important de faire intervenir un avocat d’affaires le plus tôt possible dans le processus d’acquisition.
Voici, à titre d’exemple, divers enjeux qu’un avocat d’affaires spécialiste du transfert d’entreprise sera en mesure de relever.
Qui est le vendeur ?
S’interroger sur l’identité du vendeur, c’est aussi considérer qui sont les preneurs de décisions. Il arrive fréquemment que cette question recèle des surprises.
Par exemple, si on achète les actifs d’une société par actions, le vendeur est évidemment la personne morale elle-même, n’est-ce pas ? Mais pour que la transaction se fasse, il est possible qu’il faille obtenir l’accord des actionnaires minoritaires. Avouez qu’il vaut mieux réaliser le plus tôt possible qu’un actionnaire minoritaire a le pouvoir de bloquer la transaction. Cela permet de concevoir une stratégie de négociation qui tient compte des intérêts de cet actionnaire et ainsi éviter que la transaction avorte à la dernière minute.
Supposons qu’on acquiert plutôt les actions de l’actionnaire unique de l’entreprise. Il faut alors savoir s’il est marié et selon quel régime matrimonial. En effet, l’autre époux pourrait avoir des droits à faire valoir sur les actions en question en vertu des règles touchant au patrimoine familial ou au régime matrimonial. En ce cas, il faudra être en mesure d’obtenir son consentement avant de procéder à la vente. En identifiant cette question dès le départ, on évite les surprises désagréables qui peuvent se manifester à la fin du processus de transfert ou même après celui-ci.
Le droit et la stratégie de négociation sont donc directement liés
Lors du transfert d’une entreprise, il faut aussi connaître l’identité des employés clés. Sont-ils disposés à rester après la transaction ? Sont-ils liés par des conventions qui assureront qu’ils continueront d’œuvrer au sein de l’entreprise et qu’ils ne deviendront pas des concurrents ? Sinon, est-il encore temps de mettre en place de telles conventions ? Et dans ce cas, à quelles conditions et à quels coûts ?
Bref, le droit est au cœur des enjeux humains du transfert d’entreprise
Éventuellement, la réflexion stratégique, enrichie par l’apport de l’analyse juridique, permettra à l’acquéreur de voir l’entreprise cible dans son ensemble. De cette vision à 360 degrés découleront de nouvelles questions.
Qu’est-ce qu’on acquiert ?
Réfléchir à ce qu’on acquiert, c’est définir l’entreprise dans son essence même. Ce faisant, on place en évidence des éléments qui seront à inclure dans les négociations. On pourra aussi découvrir des parties prenantes et des partenaires cachés.
Par exemple, est-ce que la localisation de l’entreprise constitue un élément clé de son succès ? Dans l’affirmative, il faut s’assurer que l’acquéreur pourra obtenir les droits reliés à cet emplacement. Il faut donc penser à communiquer avec le propriétaire de l’immeuble et négocier les conditions du transfert de bail, voire l’acquisition de l’immeuble lui-même.
Peut-être que l’avantage concurrentiel de l’entreprise est l’utilisation d’une technologie unique. Dans certains cas, on doit prendre contact avec le propriétaire de cette technologie afin de négocier l’octroi d’une licence d’utilisation, et ce, en marge de la négociation avec l’actionnaire de l’entreprise.
La marque de commerce sous laquelle opère l’entreprise est peut-être ce qui lui donne le plus de valeur. Par contre, cette marque pourrait appartenir à un tiers, qu’il soit ou non lié à l’entreprise. Ici encore, le fait de réfléchir très tôt à ces questions d’ordre légal permet à l’acquéreur de mettre en place une stratégie qui augmente les chances de succès et qui limite les risques de mauvaises surprises.
Les surprises tuent les affaires
Jusqu’à présent, notre attention a été orientée sur l’objet de l’acquisition. Nous avons considéré l’entreprise dans son état actuel. Lorsqu’on utilise le droit comme un outil de gestion, on est amené à considérer également le passé et l’avenir de l’entreprise.
Penser comme un avocat d’affaires, c’est voir le film de l’entreprise, plutôt qu’une simple photo
Les questions qui concernent le passé de l’entreprise font généralement l’objet de la diligence raisonnable, une étape qui arrive plus tard dans le processus d’acquisition. Mais le fait d’envisager ces questions dès le début pourra aider l’acquéreur à éliminer rapidement les entreprises qui seraient de mauvaises candidates à une acquisition.
L’analyse des archives judiciaires et des bases de données gouvernementales peut permettre de déceler des litiges non réglés et des réclamations potentielles. Une telle vérification est également utile pour juger de la réputation et de l’intégrité de l’entreprise et des personnes qui y œuvrent.
Sur une note plus positive, la réflexion sur le passé de l’entreprise cible permet de structurer les discussions préliminaires et d’orienter les négociations, notamment afin de définir les hypothèses sur lesquelles l’acquéreur fondera sa lettre d’intention.
Le droit mis au service de la création de valeur
Dans la plupart des cas, la principale motivation de l’acquéreur d’une entreprise est la possibilité de créer de la valeur à travers cette acquisition. Il est crucial de déterminer le plus tôt possible d’où viendra la création de valeur, car aux différents scénarios correspondent différentes situations juridiques.
Si la création de valeur dépend de la fidélisation de certains employés clés, il faut s’assurer de mettre en place des contrats d’emploi appropriés. Si au contraire, la création de valeur passe par la rationalisation des effectifs, les questions liées aux mises à pied d’une partie du personnel seront au cœur de processus de transfert.
Si la création de valeur dépend d’ententes à long terme ou de contrats d’exclusivité avec des clients ou des fournisseurs stratégiques, l’accent sera mis sur l’analyse des contrats existants et la négociation de nouvelles ententes.
Si une partie de la création de valeur peut être mise à risque par la perte de certaines ressources matérielles, intellectuelles ou humaines, il faudra de préférence identifier ces ressources très tôt dans le processus d’acquisition afin de négocier des protections adéquates.
Considérer les questions de droit à l’étape du projet, plutôt qu’à celle des problèmes
Lorsqu’on considère le droit comme un outil de gestion, on se rend vite compte que plus tôt on implique un avocat d’affaires, plus on se donne les moyens de tracer le chemin qui offre les meilleures chances de conclure une acquisition d’entreprise avec succès. Loin de la pensée en silo qui relègue le juriste à un rôle de pompier, l’approche moderne en transfert d’entreprise lui fait une place dans l’équipe accompagnant l’acquéreur du début à la fin, au même titre que l’expert financier et le consultant en gestion.
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