Le 3 octobre dernier, le CTEQ, en partenariat avec Ekitas, a tenu un webinaire sous le thème « Transfert d’entreprise : vente d’actifs vs vente d’actions ».
En raison de l’engouement pour ce webinaire, nos experts n’ont pas pu répondre à toutes les questions en direct. Voici donc les réponses d’Ekitas aux questions restées en suspens.
Dans le cas d’une vente partielle d’actions, est-ce qu’une compagnie de gestion qui possède les actions d’une entreprise a accès à l’exonération sur le gain en capital ?
Il est possible d’avoir droit à l’exonération sur le gain en capital (EGC) sur la vente d’actions d’une société de gestion lorsque celle-ci détient les actions d’une société opérante (détention indirecte), mais seulement si les critères suivants sont remplis :
- La société de gestion détient les actions de la société opérante depuis au moins les 24 mois précédant la vente.
- La société opérante est rattachée à la société de gestion.
- Pendant les 24 mois précédant la vente, plus de 50 % des actifs de la société opérante sont utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada et la société opérante est une société privée sous contrôle canadien.
- Au moment de la vente, 90 % des actifs de la société de gestion et 90 % de la société opérante doivent être des actifs qui sont utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada.
En résumé, si vous répondez à ces critères, vous pourriez vendre les actions de votre société de gestion tout en continuant de bénéficier de l’EGC. Cependant, il est désormais plus difficile de se qualifier, surtout si votre société de gestion possède d’autres actifs.
Concrètement, pour optimiser les retraits de liquidités sans impôts, il est possible de créer une société de gestion qui détiendra une participation minoritaire dans l’actionnariat, tandis que le reste des actions seront détenues au nom personnel du propriétaire. Cela lui permettra de bénéficier des dividendes intercorporatifs (non imposables) ainsi que de l’exonération sur la valeur accumulée personnellement, sous réserve des risques associés au paragraphe 55(2) LIR.
De plus, la mise en place d’une fiducie pourrait être la solution la plus avantageuse, car elle permettrait d’accumuler 100 % de la valeur au sein de la fiducie, offrant ainsi l’exonération complète, sans réduction due à la part détenue par la société de gestion.
Dans le cas de vente d’actions, comment les balances de prix de vente et les bonus variables sont traités au niveau fiscal ?
En général, les balances de prix de vente sont considérées comme un gain en capital et sont donc incluses dans le revenu du vendeur au moment de la vente. Toutefois, le vendeur peut bénéficier d’une provision pour gain en capital sur une période maximale de 5 ans après la vente, ce qui lui permet de déduire une partie de la portion impayée du prix de vente incluse dans son revenu pour reporter l’impôt payable dans le temps.
Cependant, si la société doit recevoir des montants variables en fonction de la performance future de l’entreprise, par exemple en fonction du BAIIA (clause de type « Earn-out »), ces montants seront initialement traités par les autorités fiscales comme du revenu d’entreprise, à moins que certaines conditions soient respectées.
Parmi ces conditions, on retrouve l’absence de lien de dépendance entre l’acheteur et le vendeur, le fait que la variation de la valeur soit liée à un désaccord sur la valeur de l’achalandage ainsi que la durée du contrat, qui ne doit pas dépasser 5 ans. Si ces critères sont remplis, les autorités fiscales permettront au vendeur de traiter ces montants comme un gain en capital plutôt que comme un revenu d’entreprise, à condition qu’il s’agisse d’un réel ajustement du prix de vente.
Dans un contexte de transfert d’entreprise familiale, est-ce qu’il y a des enjeux particuliers pouvant limiter l’utilisation de l’exonération sur le gain en capital ?
Oui. Jusqu’à très récemment, les règles fiscales étaient très strictes, rendant les transferts intergénérationnels presque impossibles pour un parent vendeur souhaitant profiter de l’EGC.
Cependant, depuis 2023, il est désormais possible pour un parent de vendre à son enfant (incluant une définition élargie qui comprend les nièces et neveux), à condition de respecter certains critères. Tout d’abord, la transaction doit se faire à la juste valeur marchande. De plus, certaines modalités doivent être respectées en ce qui concerne le paiement des actions ainsi que le transfert du contrôle et de la gestion de l’entreprise.
Si ces conditions sont respectées, le parent pourra bénéficier de l’EGC, à condition que les actions vendues soient des actions admissibles de petites entreprises (critères habituels de l’EGC). Les critères à respecter sont relativement complexes, ce qui rend indispensable une planification fiscale appropriée pour ce type de transfert.
Pour une vente d’actions progressive, est-ce que le vendeur pourrait aussi bénéficier de l’exonération sur le gain en capital ?
Un vendeur dont les actions vendues se qualifient à titre d’actions admissibles de petites entreprises (AAPE), à chaque moment où il vend ses actions, pourra bénéficier de son exonération pour gain en capital, sous réserve d’y avoir droit pour un montant maximal de 1 250 000 $ (en 2024 et 2025). Ainsi, pour que les actions vendues soient des AAPE, celles-ci doivent remplir les critères suivants :
- Les actions doivent être détenues par un individu ou une fiducie.
- Le propriétaire doit détenir les actions depuis au moins 24 mois au moment de la vente.
- Les actions doivent être des actions d’une société privée sous contrôle canadien.
- Pendant les 24 mois précédents la vente, 50 % de la juste valeur marchande des actifs de la société doivent être utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada (donc ne pas être des actifs dont la société n’a pas besoin pour opérer ses activités, par exemple des placements boursiers).
- Au moment de la vente des actions, 90 % de la juste valeur marchande des actifs doivent être des actifs utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada.
En résumé, bien qu’il soit possible de vendre des actions progressivement, cela peut devenir complexe pour un vendeur qui doit s’assurer de respecter les critères à chaque vente. Toutefois, le seuil de 1 250 000 $ peut être réparti sur plusieurs transactions distinctes, par exemple cinq ventes de 250 000 $. De plus, dès 2026, le vendeur pourrait bénéficier de l’indexation de ce montant dans le futur.
Est-ce plus avantageux pour un cédant de faire une vente partielle d’actions en deux temps ? Par exemple, 50 % la première année et 50 % la troisième.
Cela varie en fonction des circonstances particulières à la vente. Il faut tenir compte des éléments suivants :
- L’indexation de l’EGC peut être avantageuse si la deuxième vente se fait plusieurs années plus tard et que les actions demeurent admissibles
- Les coûts associés à plusieurs transactions peuvent être plus élevés, notamment :
- Coûts de financement
- Diligence raisonnable
- Mise en place d’une convention entre actionnaires
- Le maintien d’une participation dans l’entreprise peut être un inconvénient pour un vendeur souhaitant se retirer entièrement
- Évolution (croissance ou décroissance) de l’entreprise
- Les dynamiques relationnelles liées à la présence de deux dirigeants dans une même entreprise
Par ailleurs, si le vendeur craint devoir payer un impôt important l’année de la vente, il est possible de prévoir une balance de prix de vente échelonnée sur plusieurs années, ce qui permet de bénéficier d’une provision pour gain en capital sur la partie impayée pendant un maximum de 5 ans. Sous réserve d’une croissance anticipée significative et d’un impact positif lié à l’intégration de l’acheteur, lorsque le prix est favorable, il est généralement préférable de finaliser la vente en une seule transaction.