Le difficile constat du repreneuriat en France

En France, chaque année, 60 000 entreprises sont mises sur le marché et proposées à la vente. La moitié, seulement, trouverait preneur soit 30 000 entreprises disparaitraient faute de repreneurs. Il s’agit d’un constat terrible et difficile à accepter lorsque l’on sait que reprendre une entreprise est moins risqué pour un entrepreneur que créer une nouvelle activité.

Le taux de survie à 5 ans est de 60% pour les reprises d’entreprise contre 50% pour les créations d’entreprise.
Les enjeux d’une reprise sont vitaux à plusieurs titres et notamment en terme d’emplois. Selon une étude récente, la cession des 170 000 TPE et des 15 000 PME soit un total de 185 000 entreprises susceptibles d’être transmises en raison de l’âge avancé de leur dirigeant pourraient contribuer au maintien de 750 000 emplois.

Or, nous surestimons l’impact que les départs en retraite du papy-boom vont avoir sur le marché de la transmission et la reprise d’entreprise. Nous sommes loin de la réalité.

L’observatoire de l’association Cédants et Repreneurs d’Affaires en France estime qu’il y a 186 000 PME avec au moins 5 ans d’existence et un effectif de 1 à 249 employés. Le CRA retient un cycle de cession d’environ 15 ans, ce qui amène un potentiel de cession annuelle de 45 000 entreprises dont :

  • 30% sont cédées en interne, la famille ou les employés,
  • 25% disparaissent ou ne sont pas visibles sur le marché pour cause de faillite, d’absorption ou de fusion,
  • 45% sont cédées à une personne physique externe à la famille ou à l’entreprise.

La réalité du marché de la reprise d’entreprise en France serait donc de l’ordre de 20 000 entreprises dont 7000 cessions externes pour les entreprises ayant entre 5 à 250 salariés. Nous sommes très loin des 60 000 entreprises à reprendre chaque année.

Graphique La transmission d'entreprises en _France

Une complexité : le processus

Il est compliqué de se faire rencontrer un cédant et un repreneur. Le marché de la transmission d’entreprise peut être symbolisé par un iceberg avec une offre visible du grand public, la partie au-dessus de l’eau, largement inférieure à l’offre disponible, la partie immergée. Cette dernière est appelée le marché gris car la majorité des transactions, plus de 70%, provient du marché caché. Il est composé de cédants potentiels, déclarés uniquement auprès d’intermédiaires ou au sein de réseaux qui sont abordés de manière confidentielle.

Dans la dernière partie, la partie invisible, la solution repreneuriale se retrouve dans le cercle restreint, familial ou salarial, soit un cercle très fermé et non-communiqué à l’externe.

Nous pouvons donc remarquer un marché du repreneuriat à 2 vitesses et déséquilibré.

Le marché éprouve une inadéquation de l’offre et de la demande qui varie selon la taille de l’entreprise. Le nombre de cédants excède celui des repreneurs pour les TPE de l’artisanat et du commerce de proximité, il existe au contraire deux fois plus de repreneurs potentiels que d’entreprises à vendre pour les PME. Il est, aussi, à souligner que les repreneurs ont certaines exigences en termes de zone géographique ou de secteur d’activité, le nombre de cibles potentiels continuent de se restreindre considérablement.

Les barrages au bon fonctionnement du marché cédant-repreneur

Il est entravé par des facteurs conjoncturels et structurels en dehors du poids de la fiscalité. Un baromètre de 2013 à 2016 ne constate aucune amélioration de l’appréciation des dirigeants de PME à l’égard de la transmission d’entreprise :

  • ils manquent de visibilité sur leur activité compte tenu d’une incertitude du contexte économique,
  • ils ont une mauvaise connaissance du processus de cession,
  • ils sont mal préparés,
  • ils font une surestimation presque systématique de la valeur de leur entreprise.

Le repreneur, quant à lui, rencontre prioritairement et exclusivement des difficultés de financement.

C’est la raison pour laquelle l’accompagnement par des tiers est primordial pour lever les obstacles. D’ailleurs, les intermédiaires dans le conseil se multiplient face à ce constat.

La parole aux dirigeants

Une enquête de 2015 fait savoir que 74% des chefs d’entreprise ont une bonne image des opérations de cession ou de transmission mais 48% se sentent toutefois mal informés.

Quatre dirigeants sur dix envisagent le transfert d’entreprise. 59 ans est l’âge idéal pour préparer le projet de transmission. L’élément déterminant est à 85% l’avenir de l’entreprise et la pérennité de l’activité et à 15% le prix de cession et le gain financier.

Concernant le portrait-robot du repreneur idéal, les dirigeants en ont une image précise :

  • 40-49 ans est la tranche d’âge idéal selon 56% des dirigeants,
  • 84% n’ont pas d’attachement au sexe mais il n’y a que 7% de femmes repreneures potentielles,
  • 47% veulent une expérience professionnelle et une expertise sectorielle du candidat,
  • 40% veulent un projet et une vision de l’avenir pour l’entreprise,
  • 13% s’intéressent à la situation patrimoniale et les garanties financières.

Perspective d’évolution du marché en France d’ici à 2019

Une étude de 2015 menée par Precepta montre l’évolution du marché à l’horizon 2019. Malgré le potentiel de croissance, le marché en France peine à décoller.

En 2015, les chefs d’entreprise ont reporté leur projet de transmission en raison de l’instabilité du cadre réglementaire et fiscal. De plus, la loi Hamon est venue rompre la confidentialité des opérations de cession et de transmission ce qui risque encore de peser à court terme sur la croissance du marché. La dégradation des bilans des entreprises liée aux difficultés économiques a, également, contraint les dirigeants à attendre des jours meilleurs pour vendre.

Pour finir, l’offre reste encore peu visible dû à la multiplicité des intervenants et des prescripteurs alors qu’émergent de nouveaux modèles d’affaires hors secteurs et financements traditionnels.

Sonia Boussaguet est professeure associée au département stratégie et entrepreneuriat du NEOMA Business School au campus de Reims. Elle est titulaire d’un doctorat en Science de gestion de l’Université de Montpellier 1. Ses recherches s’orientent sur l’échec repreneurial et les risques encourus sur la santé au niveau des dirigeants.

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